© zorazhuang
Une œuvre protégée est visible au sein de votre création et vous vous demandez s’il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de son auteur pour l’exploiter ?
En principe, l’apparition d’une œuvre protégée au sein d’une nouvelle création, est soumise à l’obtention de l’autorisation de son auteur. Grâce au monopole dont ils disposent sur leurs œuvres, les auteurs sont libres d’accepter ou de refuser leur exploitation par autrui.
Le droit européen* consacre plusieurs exceptions à ce principe. Ainsi, il ne serait pas nécessaire d’obtenir l’autorisation de l’auteur d’une œuvre, dans ces deux hypothèses :
1) Lorsqu’il s’agit de l’utilisation d’œuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics ;
2) Lorsqu’il s’agit de l’inclusion fortuite d’une œuvre dans une nouvelle création.
Ces exceptions ne sont pas transposées dans la loi française, ce qui signifie qu’elles ne sont a priori pas applicables en France. Toutefois dans plusieurs décisions de justice, les juges consacrent une théorie qui, sur certains points, semble s’inspirer de ces deux exceptions au droit d’auteur : la théorie de l’accessoire.
Son principe est le suivant : lorsque la représentation d’une œuvre protégée au sein d’une nouvelle création apparaît comme « accessoire » par rapport au sujet principal de la nouvelle création, les juges considèrent qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir l’autorisation de l’auteur.
Qu’est-ce que la théorie de l’accessoire ?
À l’origine, la théorie de l’accessoire ne concerne que les œuvres situées dans les lieux publics, à savoir les créations architecturales ou sculpturales. Cela s’explique par le fait que si un monument protégé se situe sur un lieu public, il est nécessairement visible de tous : sa représentation au public est donc inévitable.
Ainsi, si vous souhaitez photographier un lieu public dans son ensemble, et qu’une œuvre protégée se situe dans votre champ de vision, cette œuvre sera inévitablement reproduite sur votre cliché, car elle fait tout simplement partie intégrante du lieu. Elle constitue simplement un élément « accessoire » du sujet principal que constitue le lieu dans son intégralité.
En ce sens, la théorie de l’accessoire se rapproche de l’exception de lieu public (1) prévue par le droit européen ; mais avec le temps, les juges étendent le champ d’application de cette théorie aux œuvres situées en dehors des lieux publics.
Les juges considèrent alors que l’apparition d’une œuvre protégée au sein d’une nouvelle création, peut être considérée comme « accessoire », même si cette œuvre ne se situe pas dans un lieu public. En d’autres termes, tant que l’œuvre est « fondue » dans un ensemble, alors la théorie de l’accessoire peut s’appliquer, peu importe la nature du lieu dans lequel elle se trouve.
Toutes ces considérations se fondent sur la même supposition : l’œuvre protégée est reproduite « par hasard » dans la nouvelle création, car elle se trouve dans le champ de vision du sujet principal que l’on souhaite photographier ou filmer. L’auteur de la nouvelle création n’a pas l’intention de reproduire cette œuvre pour elle-même ni pour ce qu’elle pourrait apporter à sa propre création : sa présence n’est pas le résultat d’un choix délibéré. Ce critère semble s’inspirer de l’exception d’inclusion fortuite (2) prévue par le droit européen.
Dans ce contexte, il est intéressant de se demander comment déterminer l’intention de celui qui reproduit une œuvre protégée au sein de sa propre création.
– Dans le cas d’un film documentaire, l’un des objectifs est de traduire la vérité, ce qui impose de conserver les lieux de tournage tels qu’ils sont réellement. Il se peut donc que des œuvres protégées soient reproduites, non pas pour elles-mêmes ni pour ce qu’elles pourraient apporter au documentaire, mais simplement parce qu’elles font partie du vrai décor du lieu filmé. Il n’y a donc a priori pas d’intention réelle de reproduire ces œuvres.
– Dans le cas d’un film qui n’est pas documentaire, la détermination de l’intention est tout de suite moins évidente. Dans les films publicitaires par exemple, les éléments de décor sont très rarement choisis par hasard car ils jouent un rôle précis au sein de la publicité : l’intention est donc facilement démontrable.
Récapitulatif des conditions de la théorie de l’accessoire
Pour résumer, pour que la théorie de l’accessoire puisse être appliquée, deux conditions doivent être réunies :
- La représentation de l’œuvre au sein de la nouvelle création doit être « accessoire » par rapport au sujet principal de la création, peu importe que l’œuvre se trouve dans un lieu public ou privé.
- Le décor visible dans la nouvelle création ne doit pas avoir été choisi délibérément en raison de l’œuvre qu’il contient, que ce soit pour l’œuvre en elle-même ou pour ce qu’elle pourrait apporter à la nouvelle création.
De la théorie à la pratique
Les conditions d’application de la théorie de l’accessoire sont en réalité difficiles à réunir. Cela dépend aussi beaucoup du type de création que l’on souhaite réaliser. La théorie sera plus facile à invoquer pour les projets éditoriaux (comme le film documentaire) que pour tous autres projets commerciaux et créatifs pour lesquels il faudra être plus vigilants (comme le film publicitaire ou le long-métrage).
Par ailleurs, la théorie de l’accessoire n’a jamais été consacrée par la loi française. Seuls les juges l’ont consacré, certes dans différentes décisions de justice, mais qui ne reprennent pas toujours des critères strictement identiques. Cette situation crée donc une insécurité juridique pour ceux qui souhaiteraient invoquer cette théorie.
Dans ce contexte, il est fortement recommandé de se rapprocher d’un cabinet avocat spécialisé afin de faire évaluer les risques liés à la reproduction d’œuvres protégées au sein de vos propres créations.
*Directive n°2001/29/CE du 22 mai 2001 du Parlement Européen et du Conseil sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information